Présentation de l’éditeur :
William Morris, Élisée Reclus, Pierre Kropotkine : ce ne sont pas les premiers noms qui viennent à l’esprit s’agissant de la Commune de Paris. S’ils tiennent dans ce livre un rôle important, c’est que pour Kristin Ross, la Commune déborde l’espace-temps qui lui est habituellement attribué, les 72 jours écoulés et les fortifications sur lesquelles elle a combattu. L’Imaginaire signifie que cet événement révolutionnaire n’est pas seulement international mais qu’il s’étend bien au-delà du domaine de la politique, vers l’art, la littérature, l’éducation, la relation au travail. Ce n’est pas un hasard si les trois personnages principaux du livre sont un poète-artiste, un géographe et un scientifique-anarchiste russe : la Commune n’est pas un simple épisode de la grande fable républicaine, c’est un monde nouveau qui s’invente pendant ces brèves semaines, un monde qui n’a pas fini de hanter les uns et d’inspirer les autres.
L’auteure :
Kristin Ross est professeur de littérature comparée à la New York University. Ses livres publiés en français : Mai 68 et ses vies ultérieures (Complexe, 2005, rééd. Agone, 2010), Rouler plus vite, laver plus blanc (Flammarion, 2006), Rimbaud et la Commune et l’invention de l’histoire spatiale (Les prairies ordinaires, 2013).
Table des matières :
Introduction
I. Au-delà du « régime cellulaire de la nationalité »
II. Luxe communal
III. La littérature du Nord
IV. Les graines sous la neige
V. Solidarité
Notes
Extrait :
Notre drapeau est le drapeau
de la République universelle
En écrivant que la Commune de Paris fut importante non par les idéaux qu’elle s’efforça d’atteindre mais par sa propre « existence en acte », Marx soulignait l’absence totale chez les insurgés d’un projet partagé sur la société à venir. La Commune, en ce sens, fut un laboratoire d’inventions politiques, improvisées sur place ou bricolées à partir de scénarios ou d’expressions du passé, repensés selon les besoins du moment, et nourris des désirs nés au cours des réunions populaires de la fin de l’Empire. Menée sous le drapeau de la République universelle, l’insurrection dans la capitale a toujours résisté, en tant qu’événement et en tant qu’élément de la culture politique, à toute intégration fluide dans le récit national. Comme le dit des années après l’un de ses participants, la Commune fut avant tout « un acte audacieux d’internationalisme [1] ». Sous la Commune, Paris ne voulait pas être la capitale de la France mais une collectivité autonome au sein d’une fédération universelle des peuples. Elle ne souhaitait pas être un État mais un des éléments, une des entités, d’une fédération de communes qui devait se développer à l’échelle internationale. Pourtant, chez les historiens, en dehors de l’allusion de rigueur aux nombreux étrangers, et aux personnalités étrangères notamment, parmi ses participants, l’originalité que constitua le caractère non nationaliste de la Commune n’a pas été reconnue. Et les traces de la manière dont cet aspect de son imaginaire politique propre fut produit et mis en pratique sont difficilement perceptibles dans l’historiographie classique de cet événement, qui s’intéresse principalement aux manoeuvres militaires et aux disputes et aux réalisations législatives de l’Hôtel de Ville.
(p. 17-18)
Éditions La Fabrique, parution le 23/01/2015
ISBN : 978-2-35872-064-9
192 pages / 13 x 20 cm / 14 euros
[1] M. Chauvière dans La « Revue blanche », 1871 : Enquête sur la Commune, p. 51.