27 avril 1952
Mes très chers,
Et voilà les dernières nouvelles. J’ai retenu ma place sur un cargo partant de La Palice le 25 mai. On compte arriver à La Guayra le 15 juin. Voilà qui est fait. Il est vrai que je ne réalise pas complètement encore que je pars dans moins d’un mois !
En attendant, j’ai un travail fou pour préparer mes valises, et me débarrasser d’un tas d’affaires accumulées durant des années. Vous devez en savoir quelque chose. Comme je vous l’avais déjà dit, je me suis décidé pour un cargo. Coût : 300 dollars. Je pars seul. Clara et le petit partiront vers la fin août. Le petit malheureusement aura à payer 75 % d’un billet entier. Pour mon départ, j’aurai l’argent nécessaire, et je ne voudrais pas vous donner des tracas et soucis supplémentaires. Pour le voyage de Clara et du petit, nous arriverons à ramasser un peu, et puis j’espère pouvoir leur envoyer d’ici là, du Vénézuela.
Ce que j’emporte d’ici ? Pas grand-chose. Je me débarrasse de tout ce qui n’est pas en bon état. Ce qui reste n’est pas lourd. J’emporterai deux costumes et le manteau que j’ai eu par vous, quelques chemises et sous-vêtements, et une partie de mes livres (les moins compromettants). Je n’achète rien. D’abord, pour ne pas dépenser, et ensuite je n’ai aucune idée du climat, et de ce qui se porte là-bas.
Comment les camarades prennent mon départ ? Quoiqu’ils s’y attendaient, c’est tout de même un peu la consternation, surtout ce départ anticipé. Nous mettons un tas de choses au point, tant pour le passé que - et surtout - pour l’avenir : archives, adresses, contacts, travaux théoriques commencés et en préparation. Je mets les bouchées doubles dans la série d’exposés que j’ai commencés avec le groupe Munis (sans Munis). La discussion portait sur l’évolution du capitalisme et la perspective révolutionnaire. J’ai déjà fait 4 exposés, et je suis à la montre, mais tous me demandent d’achever cet exposé général. Aussi avons-nous décidé de faire une réunion par semaine jusqu’à mon départ. La discussion sur l’ensemble se fera après mon départ. C’est Cousin et Evrard qui se chargeront de la poursuivre en notre nom et de défendre notre conception.
J’ai une série de correspondance à achever encore avant mon départ. Le tout dans une atmosphère de précipitation (...)
J’appréhende un peu de ce voyage. Mais, j’espère que tout ira bien une fois sur place, et que j’aurai des conditions me permettant de poursuivre le travail que j’ai commencé.
Votre Marc.