Métallo, actif sous le tsarisme, bolchevik en 1904, réorganise le Parti dans le Donbass pendant la guerre. Il dirige le syndicat des métallos après Octobre.
Un des fondateurs avec Medvedev, Chliapnikov, Kisselev et Kollontaï de l’Opposition ouvrière :
« Chliapnikov, futur animateur de l’Opposition ouvrière, modérait même son propos, en suggérant qu’il fallait « combattre de toutes nos forces la tendance à fomenter les grèves en expliquant [aux ouvriers] le caractère désastreux d’une telle politique. Malgré ses précautions, il fut cependant envoyé en mission diplomatique en Norvège, pour soigner sa mauvaise humeur, et ne put présenter ses revendications au IX° congrès. [...] Loutovinov, également du syndicat des métallos, prit la parole au Congrès et endossa les idées de son camarade Chliapnikov. La responsabilité de chaque branche d’industrie, affirmait-il, ne pouvait incomber qu’au syndicat correspondant, et celle de l’industrie dans son ensemble devait revenir au Conseil central panrusse des syndicats (Les soviets n’avaient, de toute évidence, pas de place dans le système de Loutovinov.). Toutes idées dénoncées comme « contrebande syndicaliste » par le Comité central. Curieusement, après leur belle colère, Loutovinov et ses alliés, dociles et consciencieux, se mirent au travail. Tant et si bien qu’à la fin de 1920, sur 2 051 entreprises importantes, 1 783 étaient déjà sous contrôle uninominal. Si Lénine avait pu, pour un temps encore, colmater les brèches et maintenir l’unité au sommet, le bouillonnement de la base était tel que l’apparente cohésion ne pouvait pas se maintenir.
A la conférence du Parti de septembre 1920, Loutovinov partit en guerre contre la peste bureaucratique : la démocratie ouvrière devait recouvrer, pratiquement et dans les plus brefs délais, ses droits pleins et entiers. Sa réapparition impliquait l’élimination des éléments carriéristes introduits dans la Parti, et la susbstitution du système de l’élection des fonctionnaires à celui de l’affectation. De plus, il fallait que le Comité central s’abstînt désormais d’entraver le fonctionnement des soviets et des syndicats par ses trop fréquentes interventions. Mais tout ceci n’était qu’escarmouches. La deuxième phase de la lutte engagée par les chefs syndicalistes contre les majoritaires du Parti (Un exemple de la montée de l’opposition de gauche : à la conférence provinciale du Parti, tenue à Moscou en novembre, l’Opposition ouvrière, les Centralistes démocratiques et le groupe d’Ignatov (qui devait rejoindre l’Opposition ouvrière) obtinrent 124 délégués contre 154 au CC.) fut dominée par le très important débat de Moscou du 30 décembre 1920. Au cours de l’automne et de l’hiver, jusqu’en mars 1921, chaque tendance s’efforça de préciser ses positions, d’étayer son analyse, en somme de fourbir ses armes en vue du Congrès, seul juge en dernière instance... » (Kollontaï, Seuil, pp. 24-25).
Après la défaite de l’Opposition ouvrière et la mort de Lénine, il se suicide par désespoir politique : « L’organisateur des métallurgistes errait dans Berlin, la nuit, avec Radek. Les cocktails de Kurfürstendamm lui raclaient la gorge. « Quelles saloperies, tout de même, les bourgeois n’inventent-ils pas pour s’intoxiquer ? Qu’est-ce que je vais faire en rentrant ? Je l’ai assez dit au Comité central : il faut réexaminer le problème des salaires. Nos métallos crèvent. Alors la commission sanitaire du parti m’a envoyé me soigner à l’étranger... » (V. Serge, Mémoires, page 660).
Sources :
— BRINTON Maurice, The Bolsheviks and Worker’s Control 1917 to 1921. The State and Counter Revolution, Londres, 1970 ;
— Courant Communiste International, « La Gauche communiste en Russie. 1918-1930 », in Revue Internationale n° 8 et 9, décembre 1976 et mars 1977 ;
— KOLLONTAI Alexandra, L’Opposition ouvrière, Paris, Le Seuil, 1974 ; cf. p. 25 de la préface de Jean-Maurice Gélinet ;
— SCHAPIRO Leonard, Les Bolchéviques et l’Opposition, Paris, Les nuits rouges, 2007 ;
— SERGE Victor, Mémoires d’un révolutionnaire et autres écrits politiques, Robert Laffont Bouquins 2001 ; cf. pp. 660 et 948 ;